Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

mercredi 20 novembre 2024

Têtes de billard - 02

 

J'éloigne de moi les reproches et les encombrants que j'ai accumulés. Je veux aujourd'hui évoluer léger, sans entraves et tenté par la liberté. C'est dans un dénuement feint puisqu'il faut avoir toutes les billes pour tout pouvoir perdre. J'arrondis mes excès, je frappe en douce mes excédents pour vaincre en mimant la défaite. Pauvre riche ! J'évite mon miroir, il se déformerait.


Alain Delon

mardi 19 novembre 2024

Têtes de billard - 01

 

C'est une bille, dirait-on de quelqu'un qui s'est fait rouler. Non, il s'agit d'incompétence et la sphère en prend un coup. Les mots sont moqueurs quand ils veulent faire mal. On en joue, ça choque, les expressions et les proverbes sont là, en attente, pour signaler quelqu'un qui ne file pas droit, qui a les boules quand on lui met la tête au carré. On met tout à plat, on y met un point d'honneur, ça roule, Rouletabille en quête d'enquêtes à la ronde. C'est un boulet, dirait-on de celui qui n'arrondit pas les angles.

Sean Connery

dimanche 17 novembre 2024

Sur le billard - 51

 

Bien que désapprouvée par Darwin, la licorne existe. Des crânes sont retrouvés et des histoires la mettent en situation. Souvent peinte, jamais photographiée, elle préfère les matières à la lumière. On aimerait la chevaucher, on voudrait la confondre. Ainsi donnera-t-elle la puissance ou l'oubli, on ne chasse pas l'imaginaire, on doit s'en rapprocher. Ou rester sage et lui ficher la paix, respecter l'herbe de son pré.

Le nouveau boss de la mafia - Alberto De Martino

samedi 16 novembre 2024

Sur le billard -

 

On s'allonge. Une dernière fois, on est encore là pour le geste, pour la forme, pour les souvenirs, on veut ou on hésite, on a la conscience vive ou on s'est perdu. Les autres savent ou ne savent pas, observent, attendent, refusent, semblent ailleurs déjà, on s'allonge, on ne dormira pas, cette fois, on ira dans le dernier repos, celui sans rêve et sans réveil, on voudrait le dernier beau geste, la dernière belle phrase, ce qui resterait quand tout s'en va, quand s'est épuisée la dernière respiration, quand le mystérieux choc ne sera pas entendu.

Borsalino - Jacques Deray

vendredi 15 novembre 2024

Sur le billard -

 

La maladresse demande une perfection. La maladresse qui touche juste est une discipline, on y étudie le geste, le verbe, on y met une intention et c'est caresse ou violence dans le même rapport, dans un mouvement qu'il ne faut pas louper. Amour et colère y font leur collision désirée, y cachent leur collusion possible. Ainsi, on joint les deux bouts. Face à cette fausse naïveté, l'adresse, elle, ne sait pas toujours où elle habite.

Stan Laurel & Oliver Hardy

jeudi 14 novembre 2024

Sur le billard -

 

Le train demande l'alignement. Il exige dès sa création deux lignes d'acier parallèles jusqu'à l'infini. Il provoque deux paysages simultanés, similaires et mouvants si on n'entendait pas le déplacement. Il veut la vitesse, il l'impose, il se doit d'avoir la ponctualité et un peu de balancement, oh, dans les virages. Si la locomotive a des yeux, ils ne sont pas de mouche ou de caméléon ou d'escargot, ils sont droit devant, il peut n'y en avoir qu'un qui vise même si le projectile est commandé par sa trace. On ne peut plus se pencher à la fenêtre. Alors on lit, on joue, on regarde son téléphone, on lui parle et parfois on ose le regard à droite, à gauche, la beauté peut s'y trouver.

Super Cue Men - Pete Smith

mercredi 13 novembre 2024

Sur le billard -

 

On discute, on suppose, on cumule, on tente et rien ne se fait, on argumente, on interroge, on propose et rien ne bouge, on questionne, on calcule, on déroule le tapis et on avance les pions mais rien ne change, on finit par s'en foutre, on travaille du chapeau, on moque, on reste en place, on perd son temps, le monde continue à tourner, délicatement, sans nous  laisser tomber.

The Honeymooners - Jackie Gleason