Les ponts
Les ponts que
je traverse me mènent par le bout du nez. Ils savent ma crainte de l'eau et
s'amusent à prendre une élasticité que je leur refuse. Ils tangent comme on navigue, ils prennent
de la gîte au moindre vent, au moindre murmure, à la mesure de mes pas ensorcelés.
Suis-je si lourd que mon poids les perturbe ? J'avais aimé le Pont Neuf habillé
d'or qui ne se montrait plus et qui se tenait de pierre pour se prouver une
solidité éphémèrement perdue. Ce pont alors n'en menait pas large. La
passerelle sur le Rhône s'amuse de mes ivresses, le pont d'Avignon me voit
arriver et partir du même endroit, celui des Soupirs m'aurait fait vider ce que
je contenais d'exotisme consommé, d'autres ailleurs attendent mon retour en
vain, j'ai pris tunnels et téléphériques autant qu'ils m'étaient offerts, de
Porto à Berlin, d'une rivière à toute Manche. S'il n'y avait rien de l'autre côté,
je refuserais les ponts.
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