Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

mercredi 27 novembre 2013

Texte pour Thierry Gruas



Pour une exposition à La Cour – St Etienne - novembre 2013

Arrêts sur images


En catimini, on peut produire exagérément les surfaces d'un monde habité, pour en choisir les projections devenues objets. Les questions de sa peau, de son paysage, de leurs interactions, de ce qu'il faut reconnaître et de la confusion sont mises à plat. Sauver sa peau, sauver son regard pour sauver le paysage, c'est-à-dire ce qui est reconnaissable devant soi. Ce travail est l'œuvre, cet ouvrage se montre en fragments. Les séries sont les miettes pour retrouver le chemin ; ce qui est à retrouver est autant un lieu qu'un temps, est autant un espace qu'une durée, autant une vie que sa mort contenue. Oeuvre boulimique éloignée de la satiété du spectacle, nous en picorons quelques mètres en ayant le goût de tout le trajet, du premier lieu à la dernière demeure. Et nous croyons y reconnaître celui-ci et celle-ci, cette référence et ce souvenir, ce geste érotique ou ce mouvement pornographique, signatures humaines de la tête aux pieds, nous-mêmes parfois puisqu'en cet instant confusément faisant partie de ce monde. Voici pour ce qui est ressemblant, voici pour ce qui fait des histoires. Sont convoquées des icônes, explicitement, picturales ou cinématographiques, elles se nouent, s'étouffent, sont tendues, honorées, couchées ; ici se disputent iconophile et iconoclaste. Dans ce repas sont invitées les fausses icônes, puisque c'est avec l'aide ou l'assise de photographies que se développent les images carrées dites peintures, c'est aussi sans aide et par le geste, par les souvenirs du bras qu'elles naissent, au sein de l'abstrait.

Il est tentant, pour s'éloigner de l'illustration des paradis, de vouloir appréhender les enfers réputés moins tendres. Entre deux, Jardin des délices, c'est le paradis perdu dans l'acte premier, bien ou mal on ne sait pas trop, c'est le paradis gagné. De passions et violences, ce sont, par les corps suggérés, des tons entremêlés, des épaisseurs renversées, des taches maîtrisées, des coups de peintures. Coups sur coups, des corps entre eux. On peut ne voir que la couleur puisque ce n'est que couleurs.

Leur casser la figure. Casser la figure d'une image, la tendre à ce qui a été dans l'histoire des images, à ce qui sera dans la consommation des images. Les portraits sont invoqués, images d'humains, parcelles de leur expression, de leur identité mise au carré. C'est l'invasion, c'est l'évasion des portraits, une série de personnages formant une multitude, une multiplication, une foule, du monde, un monde.

Cette tourmente n'est pas un mouvement, pas une fuite des corps, c'est une prise de vues, nous tenons un arrêt sur l'image. D'autres encore tenues. Des arrêts, des images, l'idée d'un film est envisageable.

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