En catimini, on peut produire
exagérément les surfaces d'un monde habité, pour en choisir les projections
devenues objets. Les questions de sa peau, de son paysage, de leurs
interactions, de ce qu'il faut reconnaître et de la confusion sont mises à
plat. Sauver sa peau, sauver son regard pour sauver le paysage, c'est-à-dire ce
qui est reconnaissable devant soi. Ce travail est l'œuvre, cet ouvrage se
montre en fragments. Les séries sont les miettes pour retrouver le chemin ; ce
qui est à retrouver est autant un lieu qu'un temps, est autant un espace qu'une
durée, autant une vie que sa mort contenue. Oeuvre boulimique éloignée de la
satiété du spectacle, nous en picorons quelques mètres en ayant le goût de tout
le trajet, du premier lieu à la dernière demeure. Et nous croyons y reconnaître
celui-ci et celle-ci, cette référence et ce souvenir, ce geste érotique ou ce
mouvement pornographique, signatures humaines de la tête aux pieds, nous-mêmes
parfois puisqu'en cet instant confusément faisant partie de ce monde. Voici
pour ce qui est ressemblant, voici pour ce qui fait des histoires. Sont
convoquées des icônes, explicitement, picturales ou cinématographiques, elles
se nouent, s'étouffent, sont tendues, honorées, couchées ; ici se disputent
iconophile et iconoclaste. Dans ce repas sont invitées les fausses icônes,
puisque c'est avec l'aide ou l'assise de photographies que se développent les
images carrées dites peintures, c'est aussi sans aide et par le geste, par les
souvenirs du bras qu'elles naissent, au sein de l'abstrait.
Il est tentant, pour s'éloigner de
l'illustration des paradis, de vouloir appréhender les enfers réputés moins
tendres. Entre deux, Jardin des délices, c'est le paradis perdu dans l'acte
premier, bien ou mal on ne sait pas trop, c'est le paradis gagné. De passions
et violences, ce sont, par les corps suggérés, des tons entremêlés, des
épaisseurs renversées, des taches maîtrisées, des coups de peintures. Coups sur
coups, des corps entre eux. On peut ne voir que la couleur puisque ce n'est que
couleurs.
Leur casser la figure. Casser la
figure d'une image, la tendre à ce qui a été dans l'histoire des images, à ce
qui sera dans la consommation des images. Les portraits sont invoqués, images
d'humains, parcelles de leur expression, de leur identité mise au carré. C'est
l'invasion, c'est l'évasion des portraits, une série de personnages formant une
multitude, une multiplication, une foule, du monde, un monde.
Cette tourmente n'est pas un mouvement,
pas une fuite des corps, c'est une prise de vues, nous tenons un arrêt sur
l'image. D'autres encore tenues. Des arrêts, des images, l'idée d'un film est
envisageable.
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