Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

mercredi 20 mai 2015

Texte pour Jérôme Dussuchalle n°2

Novembre 2014

Tout objet

Tout objet que l'homme fabrique est transportable. Ainsi l'objet se doit d'être à la mesure de cet homme. Si l'objet dépasse l'homme, par orgueil ou nécessité, cet homme se renforcera pour porter son ouvrage. Mais l'homme en force a ses limites, il se fera plus sereinement aider, c'est question de dimensions, c'est question du poids de ce que l'homme a dit par l'objet. Ainsi saura-t-il toujours transporter sa création autant que celle d'autres fabricants, par les mains, par la parole, par le déplacement des équilibres quand parole et mains sont complices. S'il demeure seul, ce créateur devra adapter son objet à son corps, à son savoir, à sa façon de porter, à sa façon de voir, sagement. Si l'homme est posé, l'objet l'est aussi.


Bien sûr, on n'invente pas une brouette pour transporter une autre brouette, on n'invente pas la table qui soutiendra la table, on devra fabriquer, pour le tranport de l'objet, un objet indentique mais inversé, un trou peut-être, une absence aussi, dans lequel l'objet aura sa place et prendra une soudaine légèreté comme est léger le cercueil ou le cadre d'une pensée. L'homme prudent peut aussi se faire aider par ce qu'il déplace constamment, l'air et la gravitation. Et ce qui est soufflé retombe sur ses pattes.


Plus prosaïquement, l'homme peut prendre des déménageurs, être dépossédé du lieu à l'autre lieu pour ensuite dire timidement, ici, ou plutôt ici, vers cette lumière. Il peut également faire appel à un ange, si l'objet peut se suffire quand il est prononcé. Dans ces deux cas, il y a risque de détérioration accidentelle ou de perte absolue, l'homme doit avoir main mise sur l'objet qu'il donne.


Le soulèvement de l'objet est une idée évoquée, le déménagement puis le choix d'une nouvelle place pour l'objet sont convoqués, nous observerons l'habilité de ce créateur quand il sait où il va, quand il sait poser son objet, quand celui-ci prend l'espace et devient un espace.  Quand le regard et le paysage sont une même chose.

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