Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

mardi 9 juin 2015

Brasiko Folio n° 1 - Une chose

Texte n°1 pour la revue Brasiko Folio - mars 2015


Une chose

Une chose, rien qu'un mot avant que nous ne partions. Oui, je rendrai tout. Oui oui, je reviendrai demain avec des paquets d'excuses et des petits mots de remerciement, un mot de mes parents qui dira que c'est pas ma faute, je suis impulsif, oui, demain je serai raisonnable et vous m'aimerez alors et vous oublierez que j'ai un peu cassé, un peu fait voltiger les sentiments et les cacahuètes, que j'ai trempé mes lèvres dans tous les verres et sur quelques bouches, j'avais en tête des malheurs qui prennent ma peau aussi sûrement qu'une tique prend son chien.  Oui, nous feront le compte, les verres, les cendriers, les coussins éventrés, le coup de fil portable aux gendarmes, oui, tout ceci me sera retenu. Me sera retenu. Et le compte de ce que ça me coûte, je le garde pour moi. Celle qui me fuit, celle qui s'en va, celle qui vomit ce que je lui glissait dans la gorge comme à une oie, celle qui rentre avec son automobile et que vous laissez ainsi filer avec dans son ventre de quoi endormir cent bébés. Calmé. Oui oui. La musique ? Bien, je vous assure, bien, jusqu'au tango, danse des bordels, ça m'a émoustillé, comprenez. Les voisins. Certes. Des insultes, des mots, juste une dialectique du soir, vous auriez compris, non ? Ah, pissé sur le, ah, aussi dans l'ascenseur, non, je ne peux pas tout assumer, cherchez une autre panse.

Demain passé voici le soleil nouveau, annoncé par la télé, un faux air de beau temps qui nous promènent, semblant de vacances, allons, voici une température de chemise, un air de petites voluptés, les seins pointent, la terre sent l'orage, les corneilles se réveillent et les fourmis sortent, un bourdon, une note grave, la menthe monte et dormir après avoir mangé, sur le banc avec un livre sur le ventre. Ces pages se tournent d'elles-même et racontent, voici mon oubli de la réalité, voici mon autre monde, voici que j'embarque avec une gueule de bois joviale et sans haine. Voici une armée d'adjectifs impertinents qui me font héros qui me font amoureux qui me donnent le pouvoir de tous rêves, mal de tête à côté. Avec mille présences désirées qui  viennent butiner dans mes mains, et plus si affinités.

J'ai donc déconné ?

Mes orages, mes vents. Mes humeurs, mes températures, mes nuages, que voulez-vous, je suis changeant, mes neiges d'antan qui me font salement pleurer, mes coups d'ouragans si rares que pas assurés, mon Mistral qui couche cyprès et copains des soirs, mes averses de vin qui ne touchent aucune rivière, et tiens ma façon de l'éviter ce soir quand je l'ai vue et qu'elle était occupé à regarder ailleurs, ce vent qui m'éloignait d'elle, cette tornade dont je fus le fruit et qui cassa la vaisselle. Et autres bibelots.

Un écart.

Je vous assure, un truc qui m'échappe, vous pouvez m'inviter à nouveau, je serai transparent. Voire cool, hypra cool, je serai le tapis du tapis, la basse du violoncelle, le regard du cocker. Je serai la note bleue, le rayon vert, l'aurore boréale. Je me ferai tout petit, je dirai bonne nuit aux gosses et presque je voudrais leur dire des histoires. Mais mes histoires... Je préconise les verres en plastique et les assiettes en carton, les pailles, les machins secs, une chanson douce. Les voisins, ah, pas arrangé. Je vais les voir. Non ?

Viendra la nuit, changeant mes yeux et les souvenirs de la journée, voici les fantômes, les musiques violentes, voici l'argenterie des échimoses de la journée, en couleurs voici mes espérances dépecées voici le parc enflammé et les gosses qui crient, les mamans apeurées voici le temps des cauchemars. Voici le mauvais sommeil. En moi voici la crainte du noir mais est-ce bien la crainte de la mort ? Voici la crainte des pluies sur les aquarelles. Des larmes sur leurs joues. De l'acier.

Un autre paysage. D'autres façons d'un dieu. Linge lavé par cette imtempestive averse qui fait reverdir une vallée de western. Un temps serain comme un oiseau. Comme un coup de couteau. Comme un coup de serin. Une belle violence qui se lit dans une pochette de disque. Un upercut de volcan en Haute-Loire, plus haut que dix arbres. Un lit mal rangé, une paire de sueurs, de monstrueuses confessions d'oreiller, deux peaux.

Demain. Autre chose.


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