Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

mardi 2 juin 2015

Texte pour Jérôme Dussuchalle n°1



Pour une exposition à La Cour – St Etienne -  le 4 avril 2014

Branche mémorielle

L'objet archéologique ne sait pas quoi garder de lui-même, il ne sait pas quoi montrer de lui-même, abusant de la situation pour se faire mystérieux, précieux, joli, rare ou convoité, convoitable donc en toutes circonstances puisque cet objet est la gangue de lui-même d'où est supposé sortir le trésor.

Et ce trésor est la vérité ou l'histoire ou le déroulement des choses ou simplement la façon qu'on a de le voir en cet instant qu'il s'offre au regard. Et cet objet est constamment changeant, il est dans un perpétuel déséquilibre comme l'arbre qui n'aurait de racines que ses paroles. Cet objet se fait de toute matière, sa fragilité vient qu'on ne sait pas jusqu'où le creuser, le frotter, le nettoyer ou le protéger, il a sa propre empreinte, comme un souvenir a sa propre mémoire.

Cet objet, pour peu qu'on lui greffe les pattes et l'œil, ira certainement retrouver sa trace et son lieu, sa fabrication ; cet objet cherchera sa naissance, ventre à terre. Et cet objet n'a pas d'idée, ne sait rien de ses semblables, il lui faudrait s'élever pour connaître son contexte. Mais on ne greffe pas d'ailes à l'objet archéologique, il s'élèverait et rejouant Icare se briserait, nous faisant perdre sa préciosité qui est que cet objet est un moment.
L'arbre sans racines, son hypocrite frère, veut s'affranchir de son lieu et veut perdre sa naissance. Cet arbre cherche sa mort, il entend se transformer, être méconnaissable pour être reconnu. Lui aussi, ayant l'idée d'Icare, veut faire le beau, entre la gloire et la chute. Par sa présence qui est un témoignage, il entend comme l'objet révéler les lieux dans lesquels il se promène, cet arbre sans racines n'a pas de mémoire et n'est pas porteur de la terre dont il s'est affranchi, il a besoin de l'objet : l'un parle et l'autre écoute, l'un dort et l'autre parade, l'un est stable et fait l'histoire, l'autre est sur le fil et fait des histoires.
Notre chemin est défini par la surface qu'il scarifie, révélant alors les objets têtus, jalonné d'arbres promeneurs. Il ne s’agit pas de réinventer la forêt et ses sous-sols, on aimerait, par orgueil de création, inventer la branche sensible que le chat ni l’oiseau n’auront encore visée. 

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