Un texte pour une exposition le 16
juin 2015 à Paris
"Les manifestants"
"Les manifestants"
Le roi lève le menton, le pouvoir lève son menton et l'artiste ou le
photographe est sous le menton. Il s'agit de faire le portrait. Le portrait du
roi permet le décor. Et dans le décor va la prouesse. Dans le vêtement, dans le
bijou, dans les mains vont le savoir. Et ce travail peut être effectué par des
petites mains qui ne savent que cela, le bijou, la boucle, la perruque ou le
chien qui est aux pieds. Le maître de la toile, lui, rendra les yeux, la
bouche, l'humeur et la richesse.
Voyons ici les attitudes. Pas de vêtement, pas de bijou, pas de prouesse
dans le fond, pas de chien assis ni de cheval au trot ; la prouesse, c'est à
dire le langage pictural, va au seul portrait, à la tête. Dans l'attitude, pas
d'arrogance ou de menton puisque ce n'est pas le pouvoir qui est peint et
représenté.
Quoi, serait-ce un carnaval ? Une marche des anonymes. Un rien, un
fleuve de chair qui avance par secousses comme la tête d'une poule ou le
bouchon de l'autoroute.
Nous y trouvons un casting rappelant Bruno Dumont et Federico Fellini
pour que la personne habituelle soit le monstre, pour que l'ordinaire soit
magnifique autant que dérisoire, sans or ni hermine, c'est souvent la pluie qui
les habille ou les chants qui les anime. Dans le fond du personnage, derrière
le personnage, ce n'est pas un salon ni une esplanade ni la forêt soumise,
c'est un rideau de peinture dont chaque portait aussi est fabriqué, en une
seule et même surface et les épaisseurs sont des accidents de la matière. Dans
le fond est la forme. Et la forme avance, il faut la figer pour la prendre, il
faut découper le portrait du cortège, en faire une unique expression dans une
multiple expression, le portrait est la foule, fait de même matière. Ce
portrait suffit à tout percevoir du spectacle, il est un extrait d'une surface
liquide dont on peut ici évoquer les voix et les désirs.
De la face de l'humain comme figure, on développe les expressions comme
"Tirer le portrait" ou "Je vais te faire le portait" qui
iront jusqu'à "Se casser la tête" et finalement "Casser la
figure". L'homme est déconstruit et devient couches et traces de peinture.
Il se reconstruit, étant passé par l'extrait puis l'abstrait. Les portraits de
Thierry Gruas sont un seul portrait. Vivant.
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