Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

vendredi 12 avril 2024

Rémy Jacquier

 

Poussières de sons

Un texte pour Rémy Jacquier

Exposition "Suspens" à la Cour

ma2024rs

Pierre Rochigneux

 

 

Aux fils tendus de ma mémoire j'ai préparé des résonances. Tendus, ténus, tordus, variations. J'y pose les clefs pour les ouvertures, j'y veux les chants que j'oubliais, ce qui revient, ce qui est sans que je l'aie trop voulu, j'ai mes écarts, des fugacités, autant de pauses. Comme certains oiseaux, ça s'envole, ça retombe, ça veut l'air ou le nid, trouvant les insectes disparus. Comme des soleils cherchant leur Est, je lance des sons cherchant à raisonner. Qui pourront se perdre ou faire écho. S'écraser, rebondir, s'éclairer.

 


 

Je - Mais je ne sais pas m'écouter.

- Tu me le dis cent fois.

Je - Je n'entends rien. Mes doigts sont sourds.

- Oui, ils écrivent, ils ne savent pas faire deux actions dans le même instant.

Je - Là, regarde, ils tremblent.

- Ils ont froid. Ils vont se frotter entre eux, comme des potes qui se racontent des histoires.

  Ils vont se chauffer et tout ce qu'ils vont toucher prendra leur chaleur.

Je - Brûlant ?

- Dépend des amitiés, ça. Dépend des idées qu'on défend, dépend des ivresses qu'on contient.

Je - S'ils n'ont rien à dire ?

- Alors ce sera de l'amusement. Du spectacle, de l'enthousiasme, rien de sérieux, de la joie humaine.

Je - Suffisant ?

 

De quoi remplir en partie l'univers, dans un éphémère hésitant. Par les traces, les contours, dans une représentation sur une scène sans estrade, qui patiente. Les poussières de la nature se maquillent sans miroir, ont un peu le trac, se lancent, s'exposent aux interrogations. Ce sont les sons fragiles de la poussière qui veut se faire oublier et pourtant qui revendique ses formes, celles qu'elle a prises des volumes posés là. Je les possède, dit-elle, par ma patience, par mes envols et par mon calme ; ne me dérangez pas, voyez comme je ne vous fuis pas, ne me donnez pas la douleur d'avoir peur de vous. Ne me nettoyez pas, je suis la poussière propre, je suis toutes les usures et plus tard je serai vous comme vous serez moi.

 

Ainsi va l'eau, dit le nuage, ainsi l'eau prend racine, ose un arbre baladeur. Ça rigole, là-haut, ça rigole au poulailler, ça s'amuse au paradis. Ainsi va son air, son air de rien, son air de notes, sornettes, ainsi vont les monts des mondes devenant le sable attendant la vague des ondes qui danseraient mais, timides, qui attendent qu'on se retourne. Encore qu'on se retourne pour un face-à-face. Nous accordant.

 


 

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